Au pôle de protection des plantes (Réunion)
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Ressources végétales et savoirs ancestraux Rencontre avec Ameenah Gurib-Fakim

Rédigé par Alexandre Reteau Shannti Dinnoo Modifié le

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  • Ameenah Gurib-Fakim © Cirad - Shannti Dinnoo

Lors de sa mission menée au Pôle de Protection des Plantes de Saint-Pierre, dans le cadre du Projet FED Biodiversité, la chercheuse Mauricienne Ameenah Gurib-Fakim nous a accordé une entrevue au sujet de la biodiversité et de la phytothérapie.


Commandeur de l’ordre « Star and Key of the Indian Ocean », docteur honoris causa de l’université Pierre et Marie Curie, récompensée en 2007 du prix l’Oréal Unesco… la professeur Ameenah Gurib-Fakim est un personnage difficilement contournable du milieu de la recherche dans l’océan Indien. Native de Maurice, elle représente pour la région des Mascareignes un formidable exemple de réussite féminine dans le monde de la recherche scientifique.

« Les savoirs et les plantes se perdent rapidement »

C’est à son retour d’Angleterre, une fois ses études achevées, que cette chimiste de formation s’est littéralement éprise de l’incroyable diversité végétale abritée par son île natale. En 1994, réalisant l’inventaire des plantes aromatiques et médicinales de Maurice et de Rodrigues, elle dut faire face à un âpre constat : globalisation aidant, la transmission des connaissances ancestrales liées à l’utilisation des plantes médicinales ne se faisait plus. Si la perte de ce savoir séculaire était déjà déplorable en elle-même, elle risquait de surcroît d’entrainer dans son sillage l’abandon des ressources végétales qui y étaient attachées.

Les plantes médicinales traditionnelles et les savoirs culturels des populations sont intimement liés. La disparition de l’un a de fortes chances d’entrainer la perte de l’autre. Négligées par des générations ne voyant en elles que mauvaises herbes et remèdes de grands-mères, ces plantes locales risquent tout bonnement de disparaitre. Pourtant nombre d’entre elles possèdent des propriétés intéressantes qui pourraient être valorisées. L’Aloe vera (nommé aloès amer à la Réunion) en est un des exemples les plus connus. Son gel présentant des propriétés cicatrisantes et anti-urticantes, cette plante aux feuilles succulentes bien reconnaissables est cultivée depuis l'antiquité pour ses propriétés thérapeutiques. De nos jour le marketing se l'est appropriée et l'on peut retrouver l'Aloe vera représenté sur les emballages de nos shampoings et crèmes dépilatoires. 

« Décrédibiliser la phytothérapie est un peu hypocrite »

Qu’elles soient extraites ou synthétisées chimiquement, une majeure partie des molécules présentes dans notre pharmacopée moderne est en réalité originaire du monde végétal. Bien connu, l’acide acétylsalicylique, principe actif de l’aspirine, est un composé présent dans l’écorce du saule blanc (Salix alba) et dont les propriétés curatives étaient déjà connues d’Hippocrate, au IVème siècle avant notre ère. C’est un exemple parmi tant d’autre des services que nous rend au quotidien, et depuis des siècles, la biodiversité végétale.

Afin de prévenir ces espèces végétales de l’inexorable disparition qui risquait d’être la leur, Ameenah Gurib-Fakim créa en 2009 le Centre de Phytothérapie et de Recherche (Cephyr). L’ambition de ce centre de recherche est de participer à la sauvegarde de ces ressources végétales d’intérêt culturel et médicinal, de procéder à l’étude scientifique des principes actifs qui leur confèrent leurs propriétés thérapeutiques et d’en organiser, le cas échéant, la valorisation.

« Décrédibiliser la phytothérapie est un peu hypocrite.   
Tous les chercheurs reconnaissent qu’elle est à la base de la médecine moderne. »

« Il faut toujours aller plus loin, surtout au niveau de l’éducation »

Toutefois, pour Ameenah Gurib-Fakim la majeure partie du travail qu’il reste à entreprendre ne se situe pas au sein des parcs naturels ou dans les centres de conservation. C’est dans l’éducation à donner aux générations futures que réside, à ses yeux, l’espoir de sauvegarder la biodiversité. Il est impératif que l’Humanité réapprenne à vivre durablement au sein de son environnement au travers d’une exploitation durable et raisonnée des ressources. Et cela passe par l’éducation!

« A Maurice nous avons commencé à faire des zones de conservation au sein du parc national,   
mais [...] il faut toujours aller plus loin, surtout au niveau de l’éducation de la jeunesse.   
Ce sont eux qui doivent prendre la relève. »

« Sans la science il n’y a pas de développement »

Reste à mettre en œuvre ces processus. Selon la chercheuse Mauricienne, c’est la science qui a la capacité d’engendrer de tels changements. Le milieu de la recherche doit être force de proposition pour, avec l’aide des populations et des politiques, permettre de rentrer dans le XXIème siècle d’une plus élégante manière que ce que nous avons réalisé ces 14 dernières années.

« Sans la science il n’y a pas de développement. […] Les scientifiques   
ont tendance à rester au sein de leur tour d’ivoire, à ne pas communiquer.  
Ils font du bon travail, mais sans partenariat il n’y aura pas de développement »





La vidéo de notre entretien avec Ameenah Gurib-Fakim :





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