Arboriculture à la Réunion
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Comprendre la maladie des taches noires du manguier pour freiner son expansion

Rédigé par Administrateur Modifié le

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  • Maladie des taches noires de la mangue.

La maladie des taches noires s’attaque aussi bien aux feuilles, rameaux, qu’ aux fruits du manguier. Dans certaines zones géographiques, comme la Réunion, elle limite fortement la production de mangues, surtout lors des années à fortes pluies. Pour quelles raisons ? « La lutte chimique contre la bactérie responsable de la maladie* (qui se transmet par l'eau) est peu efficace et les variétés de manguier résistantes peu nombreuses et peu utilisées », explique Olivier Pruvost, chercheur du Cirad**, travaillant sur les maladies bactériennes des plantes depuis les années 90. L’objectif des recherches de son équipe : mieux connaître la bactérie et sa biologie, l’épidémiologie de la maladie, de manière à proposer des solutions de lutte et de dépistage, à l’échelle de la région.

Comment se transmet la maladie ?

La première découverte sur la maladie a concerné les sources et les modes de transmission de l’agent pathogène.

« Au départ, dans les années 90, nous devions répondre à deux questions : 1- comment se conserve la bactérie ? en absence de symptômes, la bactérie est-elle néanmoins présente sur ou dans la plante ? ; 2- comment se transmet-elle ?

Nous avons montré que les bactéries pénètrent dans les tissus par les stomates et/ou les lenticelles, pores de la plante, ou via des blessures quand ses organes (feuilles, fruits, rameaux) sont mouillés, et qu’elles se multiplient à l’intérieur de son hôte, le manguier. La grande majorité des bactéries est ainsi localisée dans les symptômes (sur feuilles, fruits, rameaux). Elles ne survivent que temporairement à la surface des feuilles saines et ne se multiplient pas. C’est cette localisation interne des bactéries qui explique que la lutte chimique, effectuée à l’aide de produits de contact comme les sels de cuivre, ne fonctionne pas », résume Olivier Pruvost.

Ces connaissances ont permis de déterminer le stade où la plante est la plus sensible à la maladie : il s’agit des jeunes feuilles et des fruits qui approchent de la maturité. Elles ont eu aussi des applications directes sur la conduite à tenir en verger pour éviter de propager la maladie lorsqu’un foyer se déclare (voir la fiche pratique).

Celle-ci se transmet par l’intermédiaire de l’eau, et plus les vents associées aux pluies sont forts, plus la maladie se propage sur de longues distances. « En utilisant des empreintes génétiques pour typer les bactéries, nous avons montré que lors d’une dépression tropicale mineure, ces distances atteignent déjà plusieurs centaines de mètres, et donc probablement plus encore en cas de fort cyclone », souligne Olivier Pruvost. D’autres travaux, utilisant les empreintes génétiques, ont révélé, quant à eux, la diversité au sein de la population bactérienne.

Quelle est la diversité génétique des populations bactériennes et leur capacité d’adaptation ?

A travers la réponse à ces questions, l'objectif est d'être capable d'orienter les stratégies de lutte contre la maladie.

Pour déterminer la diversité génétique, les chercheurs ont d'abord analysé la structure de populations de la bactérie, issues de différentes régions où sévit la maladie des taches noires (Mascareignes, Asie du Sud-Est, Australie, Inde, Nouvelle-Calédonie, Afrique du Sud). « Un état des lieux de la diversité génétique mondiale a été dressé, en s’appuyant sur la variabilité de deux types de gènes impliqués ou non dans le pouvoir pathogène de la bactérie, et plus récemment par une méthode une empreinte génétique globale du génome », relate Lionel Gagnevin, chercheur au sein de l’équipe.

Ce travail a révélé que les populations actuellement présentes dans nos vergers proviennent de pays différents (Inde et Afrique australe notamment), ce qui s’explique par l’histoire des importations de manguiers, mais aussi de l'immigration sur l’île ! « Certains immigrants ont probablement amené à la Réunion des mangues, voire des plants de manguier,... (ce qui est aujourd'hui formellement interdit) et ont ainsi contribué à propager la bactérie. Ce sont les importations de jeunes plants ou de greffons qui présentent le plus de risques de présence bactérienne. De nos jours, certains voyageurs, ignorant ou méconnaissant la réglementation, continue de transporter ce type de matériel, mettant ainsi en danger notre arboriculture », précise Olivier Pruvost.

Les études ont également prouvé que les bactéries étaient spécifiques à une plante-hôte. Sur le faux-poivrier (appelé localement baies roses, une espèce végétale appartenant à la même famille que le manguier), les bactéries sont génétiquement très proches de celles présentes sur manguier mais peu pathogènes sur ce dernier. Cependant, des modifications génétiques mineures pourraient permettre le passage d’une espèce végétale à l’autre. La probabilité d’un tel événement est inconnue à ce jour.

Quelle variété résistante utiliser contre la maladie ?

Comme les pathogènes évoluent et sont capables de s'adapter, l'emploi d'une variété partiellement résistante (présentant peu les symptômes de la maladie), même si elle est moins efficace, est généralement plus durable que l'emploi d'une variété totalement résistante.

Les expérimentations menées pendant ces sept dernières années sur une variété partiellement résistante à la maladie des taches noires, nommé “ Heidi”, l’ont confirmé. Si bien qu’aujourd’hui, 10 ha de vergers commerciaux pilote sont suivis par la Chambre d’Agriculture de la Réunion.

Mais l’emploi d’une variété partiellement résistante sur un verger ne suffit pas à résoudre le problème de la maladie des taches noires : un schéma de lutte intégrée est donc préconisé sur le verger.

Quelles solutions d’avenir et de prévention contre la maladie ? Le dépistage précoce et la lutte collective.

La bactérie causant la maladie des taches noires peut être apportée dans le verger lors d’événements climatiques combinant vents violents et pluies, mais aussi lors d’opérations d’entretien du verger peu minutieuses, ou même encore souvent dès la plantation via des plants de pépinières malades ou contaminés.

Aussi dans les prochaines années, le défi sera-t-il de pouvoir garantir aux agriculteurs que les plants de manguiers qu’ils achètent en pépinière sont sains. A ces fins, l’équipe d’Olivier Pruvost pourra proposer à assez court terme une méthode de  diagnostic précoce garantissant au pépiniériste la qualité sanitaire de ses plants. « Nous avons déjà élaboré ce type de test pour d’autres maladies proches, sur agrumes, anthurium et oignon », précise-t-il. Une bonne façon de réduire l'expansion de la maladie à la Réunion et dans les autres îles de l’océan Indien. Mais, conclut Olivier Pruvost, « pour mieux contrôler cette maladie, une stratégie de lutte collective dans la zone de production serait nécessaire. Pour cela, il faudrait que les arboriculteurs travaillent ensemble pour détecter le plus précocemment possible les nouveaux foyers, que les particuliers s’impliquent pour éliminer les arbres de cour malades,… ».

* Xanthomonas sp. pv.  mangiferaeindicae
 **au sein de l’Unité Mixte de Recherche « Peuplements végétaux et bioagresseurs en milieu tropical » = UMR PVBMT

Qu’est-ce que l’épidémiologie ?

L’épidémiologie met au point des méthodes permettant de décrire finement les épidémies. Elle étudie également les facteurs qui influencent leur développement. Dans son approche classique, quantitative, elle répertorie les zones touchées, mesure à l’aide de modèles la progression des maladies dans le temps et dans l’espace. Ces paramètres dépendent de la biologie de l’agent pathogène (la maladie d’une plante peut être causée par une bactérie, un virus, un champignon ou encore un nématode) de ses vecteurs (vent, insectes, animaux ou homme) et des conditions environnementales. Ainsi, en protection des cultures, les techniques culturales, la sensibilité des plantes cultivées à la maladie et les peuplements végétaux parfois réservoir d’agents pathogènes sont pris en compte.

Et l’épidémiologie moléculaire ?

Avec l’essor des techniques de biologie moléculaire, les connaissances sur les agents pathogènes se sont affinées au cours de ces dernières années. Les outils moléculaires offrent aujourd’hui la possibilité d’analyser et de comparer directement la composition des génomes des micro-organismes pour les caractériser. Certains marqueurs repérés sur ces génomes mettent en évidence une variabilité génétique entre agents pathogènes d’une même population et créent ainsi une « empreinte génétique » de la souche bactérienne considérée. Ces empreintes génétiques peuvent permettre ensuite de mesurer l’implication d’un génotype particulier dans une épidémie. Cette approche qualitative de l’épidémiologie, dite « moléculaire », vient donc compléter l’épidémiologie classique, qui considère la population pathogène comme homogène.

Un nouvel outil pour l’épidémiologie moléculaire

“IS 1595” : nom de code mystérieux mais prometteur. Il s’agit d’une séquence insertionnelle d’une nouvelle famille identifiée au Cirad**. Autrement dit : un élément d’ADN capable de se déplacer dans le génome, responsable d’une part de sa variabilité. Les IS intéressent les bactériologistes et biologistes moléculaires qui s’en servent pour étudier les génomes bactériens.
 Les IS sont en effet des marqueurs plus discriminants que d’autres outils de génotypage pour des populations assez homogènes (à l'échelle d’une parcelle ou d’une microrégion par exemple), ce qui en fait un outil intéressant pour l’épidémiologie des maladies d’origine bactérienne. Ces outils sont également utilisés dans le domaine médical (par exemple pour le suivi épidémiologique de la tuberculose).

Contact 

Olivier PRUVOST
 Station de Ligne-Paradis
 Pôle de protection des plantes - 3P
 7 chemin de l'IRAT
 97410 Saint-Pierre
 Tél : +262 2 62 49 92 20
 Fax : +262 2 62 49 92 93