Arboriculture à la Réunion
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Rencontre avec deux spécialistes des mouches des fruits

Rédigé par Stéphanie Buttard Modifié le

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  • Pierre-François Duyck et Issa Mze Hassani

­Bactrocera dorsalis, présente aux Comores depuis douze ans, a été détectée en avril 2017 au Port, à la Réunion. Cette arrivée est-­elle une surprise?

Les échanges inter-­îles favorisent les introductions d’insectes, et cette mouche était déjà présente dans toute la zone océan Indien (hormis les Seychelles et Rodrigues) : ce n’est donc pas une surprise. ­ 

Quels parallèles peut-on faire entre la Réunion et les Comores?

Rappelons déjà qu’il est plus difficile pour une nouvelle espèce d’insecte de s’implanter là où d’autres espèces proches sont déjà présentes. Aux Comores comme à la Réunion, les mouches des fruits sont arrivées via le transport de fruits. Et en tout, une dizaine d’espèces ont été identifiées de part et d’autre. Certaines sont communes aux Comores et à la Réunion, et quelques ­unes sont indigènes. Dans les deux contextes insulaires, les nouvelles arrivées font beaucoup plus de dégâts dans les cultures. Leur aptitude à la compétition est plus grande, elles sont notamment polyphages: elles s’attaquent à une grande diversité de fruits.
Autres points communs de nos îles, la diversité de fruits et les conditions climatiques qui y règnent, même si quelques différences existent.
Globalement, les mouches prolifèrent pendant la saison chaude et pluvieuse et profitent de l’abondance de fruits (mangue, agrumes, goyavier, cucurbitacées...)­

Que va­-t­-il se passer désormais, et quelles sont les cultures les plus menacées à la Réunion?

Comme cela s’est passé dans de nombreux endroits du monde, on peut penser que Bactrocera dorsalis va supplanter les autres espèces.
C’est à son tour de dominer, parce qu’elle est plus compétitive que les espèces déjà présentes. Elle a envahi les Comores en 2005.
On connaît donc assez bien maintenant ses conditions climatiques et ses fruits préférés.
Les dégâts seront importants, notamment sur les vergers de mangues, et dans les endroits les plus chauds et les plus humides de l’île.
Dès cet été austral, on s’attend donc à les voir pulluler dans les vergers, comme on l’a observé aux Comores.

Comment les agriculteurs peuvent-­ils s’y préparer, et où en est­-on aujourd’hui dans la lutte biologique ? 

Toutes les méthodes habituelles sont mises en œuvre: piégeage avec para­phéromones, traitements par «taches » (mélange d’insecticide et d’attractif alimentaire) et bien sûr lutte biologique avec un parasitoïde la micro­guêpe Fopius arisanus).
L’avantage de la Réunion sur les Comores, c’est qu’on a déjà cette connaissance dans la gestion des vergers: les agriculteurs d’ici sont habitués. 
Alors qu’aux Comores, non seulement ce n’est pas encore le cas, mais en plus on se heurte au problème du coût de la lutte pour les producteurs.
Ceci dit, il est difficile de quantifier l’impact économique de douze années de présence de B. dorsalis sur les mangues comoriennes, car elles ne sont pas exportées.
Mais sur les fruits de grande importance économiques comme les cucurbitacées, l’impact est majeur et la perte économique réelle... D’où, malheureusement, un recours majoré aux insecticides. 

Face à ces enjeux, les moyens alloués à la prévention vous semblent-­ils suffisants?

Les procédures de quarantaine varient énormément d’une île à l’autre. Nous estimons que face au coût et aux incertitudes que représentent la lutte contre les ravageurs que sont les mouches des fruits, les mesures de protection restent globalement insuffisantes. Investir dans une réelle quarantaine comme le font les Australiens par exemple, se révèle au final bien plus rentable et logique que de traiter les choses dans l’urgence quand une nouvelle espèce arrive. 
La réflexion doit se mener en amont.

Rappel :

Les mouches des fruits déposent leurs œufs dans les fruits, qui varient selon l’espèce de mouche (par exemple fruits sucrés comme la mangue et la goyave pour B. dorsalis, cucurbitaceae pour d’autres espèces) et servent de nourriture aux asticots, dès leur éclosion. 
Ils sortent ensuite et s'enfouissent dans le sol, où ils se métamorphosent en mouches adultes. Aucun danger sanitaire n’est à craindre pour l’Homme, mais le fruit est impropre à la commercialisation.

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