Arboriculture à la Réunion
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Mission de formation: vers une diversification des espèces fruitières cultivées à Rodrigues

Rédigé par Séverine Vaslet Modifié le

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  • Carte Rodrigues

Dans le cadre du projet Germination, deux techniciens au service du CIRAD, ont effectué une mission de formation à Rodrigues. L’objectif était d’apporter un appui technique dans le domaine de la multiplication des arbres fruitiers et de la conduite de pépinières. Rencontre avec Johny Acapandié et Auguste Tailamé.

En quoi a consisté votre mission à Rodrigues dans le cadre du projet Germination ?

Nous avons dispensé une formation sur la multiplication des arbres fruitiers, en particuliers agrumes et manguiers, à la demande de la Commission de l’Agriculture de Rodrigues. Il s’agissait de transmettre notre savoir-faire dans le domaine de la production de plants de qualité et de la conduite de pépinière, à des fins de développement. Il faut savoir qu' aujourd’hui, il n’existe pas à Rodrigues de pépinières privées de production de plants. Deux pépinières sont toutefois dirigées par la Commission, cependant elles produisent peu. Leur production se limite à des ornementaux et à quelques lots de petite taille de fruitiers.

Quelles sont les espèces fruitières actuellement cultivées à Rodrigues et abordées lors de la formation ?

En ce qui concerne les agrumes, seul le citron lime, ou lime mexicaine, est véritablement cultivé. Cette variété est en effet très répandue sur l’île et au cœur des habitudes culinaires de la population locale. Des initiatives de valorisation voient le jour. Une coopérative a par exemple pour projet de transformer une partie de la production en jus. Actuellement, les producteurs de citron lime « sèment le grain », c’est-à-dire que la multiplication se fait par semis. En conséquence, les plants entrent en production au bout de trois ans. Par ailleurs, une grande partie des plants de citron lime sont contaminés par la bactérie responsable de la maladie du chancre citrique. Nous avons donc abordé la technique du greffage. Avoir recours à la multiplication par greffage permettrait de gagner du temps : les arbres commencent à produire au bout de deux ans. De plus, en utilisant un greffon certifié, on obtiendrait des plants de qualité, indemnes de maladies.

L’idée serait également de produire de nouvelles variétés d’agrumes pour répondre à la demande et satisfaire les besoins de la population rodriguaise. Actuellement, l’île a recours aux importations. Des essais doivent être mis en place. Il faudrait tester une dizaine de variétés afin de déterminer lesquelles sont les plus adaptées au contexte rodriguais et à quelles altitudes les cultiver. L’altitude est en effet un facteur déterminant dans la production des agrumes. A la Réunion, ils sont cultivés entre 300 et 1 000 m optimisant ainsi la production d’un point de vue quantitatif mais aussi qualitatif. Certaines variétés sont cultivées dans des intervalles d’altitudes plus restreints. Prenons l’exemple du Tangor à la Réunion. La qualité et notamment la coloration du fruit sont optimales entre 800 et 1 000m d’altitude. Différentes variétés doivent donc être expérimentées sur différents sites pour pouvoir apprécier le comportement des agrumes et évaluer leur production. A Rodrigues, il sera important de privilégier les zone d’altitude les plus élevés. Travail de longue haleine, une période de cinq ans sera nécessaire pour pouvoir analyser les premiers résultats.

Le manguier et la technique de multiplication par greffage qui lui est associé ont été abordés, bien que demandant davantage de dextérité que celle des agrumes. Aujourd’hui, il existe uniquement quelques variétés de manguiers sauvages. Mener de front l’introduction de manguiers en parallèle de celle d’agrumes permettrait d’envisager une diversification des espèces fruitières dans un pas de temps raisonnable. Enfin, le marcottage du litchi ainsi que celui du figuier ont également été passés en revue.

Rodrigues est-elle maintenant en mesure de conduire ses propres pépinières?

Pour produire des plants de qualité, il est tout d’abord essentiel de disposer de structures adaptées. Des abris, tels que des serres ou des tunnels, sont nécessaires pour protéger les plants des intempéries et limiter ainsi la propagation des maladies. Deux tunnels de 160 m² sont aujourd’hui à disposition de la Commission. Il conviendra seulement de les aménager, notamment d’y installer des bâches. D’un point de vue organisation, nous proposons de réserver un tunnel à la production de plants et de diviser le second en deux zones : la première serait dédiée à la production de greffon, couramment appelée bloc d’amplification, la seconde à celle de la conservation des pieds mères. Une production à petite échelle de plants de fruitiers serait ainsi possible en toute autonomie, c’est à dire sans être dans l’obligation de faire venir des greffons de l’extérieur. La réussite de ce type de projet implique également de disposer du matériel adéquat : à cet effet, nous avons fourni quelques greffoirs.

Outre les aspects matériels, conduire sa propre pépinière nécessite de solides compétences techniques. Aussi, nous avons passé en revue différents itinéraires techniques relatifs à la multiplication des fruitiers, illustrant nos propos par des démonstrations pratiques de semis, repiquage, greffage marcottage etc…On peut donc dire que notre travail a consisté à amorcer la création de pépinières. En ce qui concerne les agrumes, d’une production d’environ 400 plants/an, la Commission peut  maintenant envisager de mettre en place une production de 3 000 plants/an. Rodrigues a donc les moyens d’initier le projet. Cependant, pour développer l’activité, davantage de moyens seront nécessaires. Des formations complémentaires seront à envisager, d’une part pour approfondir les techniques présentées et d’autre part pour les compléter par celles ayant trait au suivi de pépinière et à la taille des fruitiers.

Dans le passé, nous avons déjà organisé des formations de ce type à Mayotte, sur le thème de la multiplication des arbres fruitiers, complétées par des modules sur la taille des fruitiers. Aujourd’hui, des pépinières privées, ayant investi dans des serres, des tunnels et des outils, sont en place et en production.

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