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Préserver et valoriser la biodiversité agricole – Les objectifs du projet Germination

Rédigé par Alexandre Reteau Modifié le

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A l’heure où la biodiversité est en déclin, subissant une érosion sans précédents,[1] l’agriculture intensive entame, doucement, sa mutation vers une agriculture durable, plus respectueuse de ses acteurs et de son environnement. C’est dans ce cadre-là que s’inscrit le programme Germination. L’ambition de ce projet de coopération régionale est d’élaborer et d’accompagner un large réseau d’acteurs investis dans la sauvegarde et la valorisation de la biodiversité agricole.

La biodiversité agricole, ou agrobiodiversité, peut être définie comme l’ensemble des ressources végétales qui sont, ou furent, utilisées et cultivées par l’Homme dans le but de subvenir à ses besoins. Aussi comprend-elle des espèces mondialement exploitées comme le riz asiatique (Oryza sativa) ou la vigne commune (Vitis vinifera), mais aussi des espèces bien moins représentées telle la calebasse (Lagenaria siceraria) ou la tomate arbuste (Cyphomandra betacea).

Procéder au recensement et à la caractérisation d’espèces et variétés d’intérêt agricole dans le sud-ouest de l’océan Indien

La première phase du projet Germination consiste à procéder au recensement et à la caractérisation d’espèces et variétés d’intérêt agricole présentes dans le sud-ouest de l’océan Indien. Ce recensement entend se focaliser essentiellement sur des espèces dites « orphelines » : des espèces sous utilisées, locales, ou apparentées à des variétés exploitées plus massivement. La culture de nombre d’entre elles fut délaissée au cours de ces dernières décennies au profit d’espèces à plus fort rendement ou présentant une plus grande homogénéité. Ces plantes oubliées et négligées sont aujourd’hui menacées d’extinction. Leur disparition s’avérerait non seulement une perte pour la biodiversité planétaire mais aussi une perte pour notre patrimoine agronomique et culturel.

Le projet Germination entend enrayer ce phénomène en créant les conditions favorables à l’élaboration de plans d’action pour sauvegarder ces ressources. L’idée et de favoriser la mise en commun de savoirs et de moyens dans la région océan Indien et d’y instaurer une dynamique régionale de coopération. Parmi les acteurs impliqués, les CRB (Centres de Ressource Biologiques) et les collections nationales qui organisent la préservation de matériel végétal selon des techniques variées, pouvant aller de la conservation aux champs à la cryoconservation[2]. Pépiniéristes et agriculteurs sont de leur côté des acteurs à ne pas négliger car ils participent eux aussi à la sauvegarde de l’agrobiodiversité : continuant à cultiver leurs ressources végétales, ils contribuent activement à en assurer la pérennité.

Les espèces cibles du projet sont des espèces acclimatées aux conditions locales

Un des objectifs du projet Germination est lié à la valorisation de ces ressources végétales, leur préservation pouvant présenter de nombreux intérêts. En effet, valoriser ces ressources peut être très utile dans les domaines de l’agriculture durable, dans la lutte pour atteindre la sécurité alimentaire ou dans le domaine de la recherche scientifique.

Et pour cause, les espèces cibles du projet sont des espèces acclimatées aux conditions locales. Aussi sont-elles souvent plus tolérantes et moins gourmandes en intrants que des variétés importées qui, elles, ne seraient pas adaptées aux particularités régionales. Parmi ces ressources végétales, certaines d’entre elles peuvent présenter des caractères d’intérêt agronomique, comme des  résistances à la sécheresse, à des ravageurs ou à certaines maladies. Elles pourraient alors être utilisées directement en culture ou servir à de la création variétale. Par hybridation il serait possible d’obtenir des plants possédant à la fois les caractéristiques de résistance de la variété locale ainsi que la régularité et le rendement de la variété plus performante.[3]

Ces espèces sous utilisées pourraient aussi être exploitées dans une optique de diversification des cultures. Leur production permettrait de proposer un large panel d’aliments adaptés aux besoins des populations locales, l’objectif étant de se concentrer sur des espèces et des variétés pouvant présenter des enjeux de sécurité alimentaire dans la zone océan Indien. 

Les conserver c’est ainsi conserver notre histoire, nos cultures et nos savoirs

Conserver cette biodiversité agronomique revient de surcroit à participer à la sauvegarde de notre patrimoine historique. Ces espèces sont souvent issues de centaines, voire de milliers d’années de sélection humaine, elles sont des exemples de notre coévolution avec notre environnement. De plus, elles sont reliées à de nombreux savoirs ancestraux et traditionnels. Les conserver c’est ainsi conserver notre histoire, nos cultures et nos savoirs.

En ce sens, le recensement de ces ressources présente un intérêt majeur au niveau juridique. C’est un moyen d’acter l’utilisation séculaire de nombreuses plantes par des populations locales, que ce soit dans un intérêt alimentaire comme pour leurs propriétés médicinales. Les ressources vivantes sont aujourd’hui considérées comme étant un héritage commun de l’humanité[4] et le fait de recenser ces plantes délaissées permet d’acter l’antériorité des savoirs traditionnels et d’éviter aux population la spoliation de leurs héritages culturels.

Les objectifs portés par le projet Germination sont ambitieux (s’attaquer à la préservation de la biodiversité agronomique et à la lutte contre l’insécurité alimentaire dans la région océan Indien) et ce n’est qu’avec l’implication de chacun des partenaires qu’ils pourront être couronnés de succès.






Pour aller plus loin :

[1] Cette érosion est sans précédent en ce sens où elle découle des activités humaines, contrairement à l’emblématique crise K-T qui causa la disparition des dinosaures non-aviens. Extinction aujourd’hui imputée à une origine extra-terrestre : la chute d’un météorite en lieu et place de l’actuel Mexique.
[2] Cette méthode consiste à congeler les semences végétales en utilisant de l’azote liquide. Ce composé ordinairement à l’état gazeux permet de descendre en un temps record à la température de -196°C sans pour autant altérer les cellules du matériel biologique cryogénisé.
[3] Les ravages causés par le phylloxera dans les vignobles Français à la fin du XIXème siècle n’ont pu être surmontés que grâce à la grande diversité du genre Vitis. En effet, si la France produit encore du vin aujourd’hui c’est en partie grâce à la vigne nord-Américaine Vitis riparia. Résistante au phylloxera, on l’utilisa comme porte greffe pour les cépages Français. Ceux-ci se trouvèrent alors immunisés contre les piqûres de l’insecte responsable du phylloxera et la production de vin Français put reprendre de plus belle.
[4] C’est le « Common héritage of mankind » du protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques (2012) visant à lutter contre la biopiraterie et comptant à ce jour plus de 92 signataires.

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