Les bactériophages : Une solution de biocontrôle contre le flétrissement bactérien

Rédigé par Clara Grondin Modifié le

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  • Flétrissement

CONTEXTE 

Ralstonia solanacearum est une des bactéries attaquant les plantes les plus nuisibles au monde. Cette bactérie qui vient du sol, pénètre et se multiplie dans la plante jusqu’à obstruer le canal de circulation de la sève entraînant un flétrissement irréversible.R. solanacearum est la principale cause du flétrissement des plantes dans les régions tropicales, notamment dans les îles du sud-ouest de l’Océan Indien, où des cultures essentielles pour l’agriculture sont particulièrement touchées. 

Dans le cadre du projet européen EPIBIO OI qui vise à instaurer une dynamique d’épidémiosurveillance et de biocontrôle dans la zone Océan Indien, Clara Torres-Barceló, post-doctorante de l’ Université de La Réunion, Stéphane Poussier, professeur à l’Université de La Réunion et Rajaan Jeetah, technicien au FAREI (Food Agricultural Research and Extension Institute) de Maurice ont effectué des échantillonnages sur les cultures agricoles mauriciennes.

L’objectif ? Explorer la diversité de R. solanacearum et ses ennemis naturels (les bactériophages) dans l’île afin de développer une solution de lutte biologique contre Ralstonia solanacearum. Pendant deux jours, les chercheurs ont visité six champs affectés par la maladie du flétrissement bactérien. Pour chaque parcelle agricole, 2 plantes de la même espèce ou du même type ont été prélevées. Les chercheurs ont principalement étudié les cultures de la famille des solanacées telles que les tomates, l’aubergine et de poivre. Cependant, des serres, et dans certains cas, l’eau servant à l’irrigation, ont également été échantillonnés.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              RECHERCHE SCIENTIFIQUE 

Les chercheurs ont prélevé des échantillons végétaux ou d’eau à la recherche des bactériophages ou phages (virus n’affectant que les bactéries) présents sur les mêmes sites que la bactérie pathogène R. solanacearum. Une grande variété de cultures et de sites d’échantillonnages ont permis aux scientifiques d’obtenir une collection diversifiée de bactériophages attaquant R. solanacearum. Les difficultés à contrôler le flétrissement sont liées à la facilité d’adaptation de la bactérie Ralstonia solanacearum à son environnement, à sa diversité génétique, ainsi qu’aux pratiques agricoles intensives actuelles. 

L’objectif de cette étude est d’isoler et de caractériser les nouveaux bactériophages capables d’infecter le complexe d’espèces R. solanacearum et qui peuvent être utilisés comme moyen de lutte biologique. 46 bactériophages infectant la bactérie R. solanacearum ont été isolés de 32 échantillons agricoles prélevés à l’île Maurice. Les chercheurs ont caractérisé les bactériophages au niveau génétique et phénotypique.

 Concrètement, les relations phylogénétiques entre le génome de chaque virus et les autres phages de Ralstonia solanacearum publiés dans la littérature ont été étudiées. La gamme de bactéries hôtes que les phages sont capables d’infecter, a été établie, ainsi que leur efficacité à contrôler les bactéries in vitro. L’ensemble de ces analyses servira à déterminer les meilleurs phages candidats pour protéger les plants de tomates de la maladie bactérienne. 

RESULTATS 

Analyse génomique des phages :

  • 13 nouvelles espèces classifiées dans 4 nouveaux genres ont été décrites (soumis au comité international de taxonomie de virus ICTV et proposition acceptée avec « minor revisions »). Il a été ainsi mis en évidence une importante diversité génétique et de nouveaux phages de Ralstonia solanacearum (seulement 35 décrits dans la littérature). 
  • Article soumis à « Scientific Reports ».Gamme d’hôte des phages sur 60 souches de Ralstonia solanacearum : Il a été mis en évidence la présence de phages assez spécialisés sur certains sequevars du phylotype I, ainsi que des phages plus généralistes, capables d’attaquer plusieurs phylotypes (II et IV).
  • Mesure de l’efficacité des phages in vitro à contrôler la croissance bactérienne : les phages mauriciens sont capables de contrôler efficacement (autour du 80 % d’inhibition des bactéries au doses phage-bactéries étudiés) certaines souches et pas d’autres. 
  • Perspectives : ce travail va se poursuivre par l’étude de l’efficacité in vivo des phages sur des plantes de tomates contaminés par R. solanacearum, en optimisant les mélanges de phages les plus efficaces pour contrôler toutes les variantes génétiques de R. solanacearum à Maurice, la fréquence d’application, etc. Il faudra faire attention à étudier la possible apparition de résistances chez les bactéries. Pour cela, un atelier pratique est planifié en 2021 (repoussé de 2020 à cause de la Covid-19, financement obtenu INRAE SPE : Clara a maintenant un poste de chercheuse dans l’Unité Pathologie Végétale à Avignon, France, dédié à l’étude des phages de bactéries pathogènes de plantes), pour que le FAREI même puisse faire des tests sur serre et optimiser l’application.
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