La protection agroécologique des cultures

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Qu'est ce que l'agroécologie ?

Sur le plan phytosanitaire, la voie agroécologique n’est pas nouvelle, elle était déjà préconisée avant l’apparition des pesticides, au début du siècle précédent. A l’époque, on prônait des pratiques culturales classiques (rotations, associations, dates culturales, ...). Dans le contexte actuel, et compte tenu des progrès dans les connaissances en écologie et en gestion des populations, le défi agroécologique est de prévenir les risques de pullulations ou d’infestations, plutôt que lutter contre elles ou de les faire disparaître, par la gestion de populations : peuplements végétaux et populations des bioagresseurs, selon des échelles élargies de temps et d’espace. Ce raisonnement nouveau fait appel à des disciplines assez récentes : agroécologie bien sûr, mais aussi écologie du paysage, gestion de l’espace, biologie de la conservation, etc.

La gestion agroécologique va dans le sens d’une valorisation de la biodiversité animale et végétale, elle-même contribuant au bon fonctionnement écologique des agroécosystèmes et moyen reconnu pour réduire les risques de pullulations des ravageurs. En mettant l’accent sur la gestion des peuplements végétaux, cultivés ou non cultivés (forme, structure et taille ; arrangement ; composition), la démarche vise aussi à préserver les populations d’auxiliaires en place, ce qui correspond à une des voies du concept de la lutte biologique. Le rôle des corridors biologiques pour la faune utile est par exemple privilégié, tant à l’échelle locale qu’à l’échelle du paysage.

L’approche agroécologique n’est pas dogmatique : elle inclue aussi bien les démarches « bio » que la voie transgénique et beaucoup de solutions raisonnées ou de bon sens. Elle met en avant le caractère écologique de la gestion : la chimie est le tout dernier recours, alors que la préservation de la biodiversité et le respect de l’environnement sont privilégiés. Mais l’agroécologie conserve aussi bien sûr l’objectif de produire durablement ; l’approche est ainsi recommandée aussi bien pour une agriculture intensive, en visant un retour à des équilibres écologiques durables, que pour des systèmes plus traditionnels, en recherchant à éviter l’apparition des conséquences négatives et non intentionnelles de l’agriculture industrielle et en valorisant les savoirs locaux, garants d’une certaine durabilité écologique de ce type de systèmes.

En quoi cela consiste ?

Une des techniques agroécologiques privilégiées pour la gestion des ravageurs est l’ association des espèces végétales. A quelques exceptions notables près, la monoculture est en effet aujourd’hui considérée comme une impasse dans un contexte de réduction des produits phytosanitaires. Parallèlement, on constate un fort regain d’intérêt pour les systèmes multi-espèces, basés sur l’association temporelle ou spatiale de plusieurs espèces à fonction de production ou encore d’une espèce à fonction de production et d’une ou plusieurs espèces à fonctions de service. Les associations de plantes ont tendance à favoriser l’action de la faune utile sur les bioagresseurs, à restaurer la biodiversité et à contribuer à des retours à des équilibres écologiques précédemment disparus.

Enfin, la gestion des peuplements végétaux et des populations des bioagresseurs met en lumière trois enjeux majeurs méthodologiques sur le plan scientifique : l’intégration et l’interdisciplinarité (écologie, agronomie, protection des cultures, socio-économie, etc.) ; le changement d’échelles, l’obtention de données locales devant être traduites pour la prise de décision à l’échelle globale (bassin versant, commune, paysage, etc.) ; la prise en compte de seuils nouveaux (et évolutifs), à l’échelle du paysage et dans un raisonnement à long terme, prenant en compte à la fois des critères économiques (seuils classiques de tolérance), des critères sociaux (décisions partagées et acceptées) et des critères environnementaux (respect de l’environnement, préservation de la biodiversité, réduction des risques d’intoxication, etc.).

Jean-Philippe Deguine, CIRAD

Station de Ligne-Paradis
 Pôle de Protection des Plantes - 3P
 7 Chemin de l'IRAT
 97410 Saint-Pierre
 Réunion

jean-philippe.deguine@cirad.fr


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