Les pollinisateurs bientôt débarrassés des néonicotinoïdes ?

Rédigé par Alexandre Reteau Modifié le

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  • Abeilles - Longose © A.Franck - Cirad

Contre toute attente, et contre l’avis du gouvernement, l’assemblée nationale a décidé, le jeudi 19 mars 2015, d’interdire catégoriquement l’utilisation de tout pesticide issu de la famille des néonicotinoïdes, à compter du mois de janvier 2016.


L’assemblée nationale, dans le cadre de l’étude du projet de loi « Biodiversité » porté par la ministre de l’écologie Ségolène Royal[1],  se penchait vendredi sur la question de l’utilisation des néonicotinoïdes, pesticides largement répandus dans le domaine de l’agriculture conventionnelle. En effet, ces dernières années cette famille de molécules aux effets neuro-toxiques était accusée par de nombreux travaux internationaux de jouer un rôle non négligeable[2] dans le déclin des populations de pollinisateurs, notamment chez les abeilles domestique (Apis mellifera). De plus, le plan Ecophyto[3], ayant été reconduit, il était cohérent de voir l’usage massif de ces pesticides remis en question. Toutefois, l’amendement défendu par le gouvernement se contentait de préconiser le soutien de projets régionaux visant à diminuer l’utilisation des néonicotinoïdes, et non pas les interdire.

Les néonicotinoïdes, des pesticides aux effets neuro-toxiques, incriminés dans le déclin des abeilles

C’est un amendement plus radical, déposé par les députés socialistes Gérard Bapt et Délphine Batho, demandant l’interdiction totale de tout produit de la famille des néonicotinoïdes à l’orée 2016, qui obtint les faveurs de l’assemblée lors du vote final. Si l’Europe avait déjà suspendu l’utilisation de trois composés néonicotinoïdes[4] ,l’objectif défendu par les deux députés découlait d’une vision à plus long terme : prévenir l’éventuelle mise sur le marché de substances aux formules voisines à celles des trois composés déjà circonscrits par l’UE.

Une initiative qui pourrait peser sur les décisions de l'UE

Cet amendement, défendu avec une rhétorique savamment maîtrisée par le médecin cardiologue Gérad Bapt, fut alors adopté contre l’avis du gouvernement. En effet celui-ci, bien qu’affirmant partager l’analyse de M. Bapt, ne souhaitait pas la mise en place d’une solution aussi radicale que celle d’un strict moratoire par peur d’une incompatibilité avec le cadre juridique Européen. A l'opposé, grâce à cet amendement, le député socialiste voyait justement l’occasion de pouvoir « aider Mme la Ministre dans son action au plan européen ». L’espoir que cette prise d’initiative puisse servir d’exemple à Bruxelles semble, selon toute vraisemblance, avoir été partagé par une majorité de députés au sein de l’assemblée.

Retournons à nos frelons

Dans un contexte ambitieux de réduction des pesticides et face aux études à charge s’accumulant à l’encontre des néonicotinoïdes, il n’était pas incohérent que le sujet fasse l’objet de légiférations. Toutefois l’interdiction totale des néonicotinoïdes fut une surprise et, malgré le risque de les voir persister encore longtemps au sein des écosystèmes,  nul doute qu’apiculteurs et pollinisateurs se réjouiront de cette décision… d’autant plus qu’ils ont bien d’autres frelons (et varroa) à fouetter.

Désormais, le texte se trouve entre les mains du sénat à qui reviendra le choix de l’ajourner ou de l’entériner. En cas de rejet de la part des sénateurs, ce sera au premier ministre d’arbitrer et conclure ce chassé-croisé législatif en prenant position en faveur du sénat ou de l’assemblée.





Pour aller plus loin :

[1] Ministre de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie.
[2] Les études sur le sujet s’accordent pour dire que les raisons du déclin des populations de pollinisateurs sont multifactorielles et ne peuvent être imputées seulement aux néonicotinoïdes ; Frelons asiatiques et varroa sont eux aussi montrés du doigt. Toutefois il n’est plus possible de nier l’effet significatif de ces pesticides dans les processus mis en cause.
[3] Le plan Ecophyto, récemment reconduit par le gouvernement, a pour ambition de réduire de manière significative l’usage des pesticides sur le sol français.
[4] Suite à un rapport de l’EFSA en 2013, l’Union Européenne avait émis un moratoire sur trois néonicotinoïdes, interdisant leur utilisation dans le domaine agricole. Ce moratoire, s’il n’est reconduit, arrivera à son terme fin 2015.

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