Vers la mise au point d’attractifs pour les femelles de la mouche du melon

Rédigé par David JOSSEROND Modifié le

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  • Bactrocera cucurbitae (mouche du melon) - © Antoine Franck
  • Toulassi Atiama-Nurbel (© Antoine Franck)

Toulassi Atiama-Nurbel, actuellement en 3ème année de thèse* au Pôle de Protection des Plantes (3P – Cirad Réunion), participait fin août à Melbourne (Australie) à l’ICEC 2013, congrès international d’Ecologie Chimique, réunissant pour la première fois les deux associations mondiales : l’International Society of Chemical Ecology (ISCE) et l’Asia Pacific Association of Chemical Ecologists (APACE).

Votre thèse traite "d’écologie chimique". De quoi s’agit-il ?

- L'écologie chimique, qui regroupe un ensemble de disciplines scientifiques, consiste à étudier le rôle des composés chimiques comme médiateurs des interactions entre espèces vivantes, qu’elles soient animales ou végétales. Je me suis pour ma part intéressée plus spécifiquement à l’étude des interactions insectes / plantes liées à l’olfaction. Comment par exemple un insecte parvient-il reconnaître une plante à distance ou à proximité par le biais de l’olfaction ?

Votre thèse s’intéresse plus particulièrement à la mouche des fruits Bactrocera cucurbitae ?

- Bactrocera cucurbitae constitue à l’heure actuelle l'un des principaux ravageurs des cucurbitacées dans de nombreux pays à travers le monde, notamment en Asie, dans de nombreuses îles du Pacifique, aux Seychelles, en Afrique orientale et occidentale, à Maurice et à La Réunion. A la Réunion, les pertes de production peuvent atteindre 90%. Les dégâts sont causés par la ponte des femelles et le développement des larves à l’intérieur des fruits. Or, pour l’heure, seuls les mâles de ce ravageur peuvent être attirés et piégés à l’aide de stimuli sexuels, réduisant ainsi fortement les capacités d’accouplement avec les femelles à l’origine des dégâts, sans toutefois diminuer de manière suffisante la pression des ravageurs.

L’idée a donc été de vous intéresser aux femelles ?

- Une diminution du nombre de femelles signifie en effet moins de pontes sur les fruits, et in fine moins de dégâts. Les femelles, en quête de fruits pour pondre, sont attirées par un mélange de composés volatils émis par la plante hôte. L’un des buts de ma thèse est donc d’identifier les composés chimiques volatils intéressants pour formuler des attractifs efficaces pour les femelles. Autrement dit, quels effluves de plantes permettent-ils aux femelles de détecter la plante hôte pour venir y pondre ? Or, si l'attraction de la mouche du melon par l’odeur de concombre a déjà été étudiée à l’Université d’Hawaii, aucune autre recherche n’a pour le moment été réalisée sur l'attractivité olfactive d'autres plantes sur les femelles de Bactrocera cucurbitae.

Comment avez-vous alors opéré ?

- J’ai d’abord étudié l’attractivité des effluves des fruits de 18 espèces différentes de la famille des cucurbitacées, parmi des espèces sauvages et des espèces cultivées à la Réunion. Pour cela, j’ai utilisé des petites cages de test, me permettant de décrire les réponses comportementales des mouches face à ces différentes odeurs, mais aussi en utilisant un olfactomètre. Après avoir identifié les effluves les plus attractives, j’ai ensuite réalisé, en collaboration avec le Laboratoire de Chimie des Substances Naturelles etdes Sciences des Aliments (LCSNSA) de l’Université de la Réunion, une analyse chimique des composés volatils, qui ont pu être étudiés en fonction du stade de maturité et de la variété de la plante hôte.

On obtient ainsi un parallèle entre le comportement des mouches et la nature des composés volatils émis ?

- Exactement. Via l’ElectroAntennoGraphie couplée à la Chromatographie sur phase Gazeuse (CG-EAG), technique fine d'électrophysiologie utilisée sur les insectes que j’ai pu récemment expérimenter en République Tchèque, une odeur va ainsi pouvoir être dissociée par chromatographie en ses composants chimiques, qui vont à leur tour être un à un directement testés sur l’antenne de l’insecte, dont on va observer la réaction. D’une odeur complexe chimiquement, on vérifie ainsi à quels composés réagit spécifiquement l’insecte.

* Titre : Réponse des femelles de Bactrocera cucurbitae (Diptera, Tephritidae) aux effluves et aux composés volatils de fruits-hôtes.
Directeurs de thèse : Serge Quilici, Entomologiste HDR, UMR PVBMT (Cirad/Université de la Réunion)
Co-directrice de thèse : Anne Bialecki, Pr, Université de La Réunion (Laboratoire de Chimie des Substances Naturelles et des Sciences des Aliments)
Co-encadrant de thèse: Jean-Philippe Deguine, Entomologiste HDR, UMR PVBMT (Cirad/Université de la Réunion)

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