Focus sur une espèce de vanillier de Mayotte et des Comores

Rédigé par Quentin Ceuppens Modifié le

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La multitude d’espèces de vanilles encore inconnue représente un potentiel génétique exceptionnel, dont l’étude prend aujourd’hui toute son importance. Le manque de diversité génétique de la vanille exploitée fait de l’ensemble de la production mondiale une cible idéale pour ses éventuels bio-agresseurs. Docteur en génétique de l’UMR-PVBMT, Rodolphe Gigant a dédié une partie de sa thèse au cas de la vanille de Humblot, espèce endémique de Mayotte et des Comores :

« L’intérêt d’étudier la diversité des vanilliers autres que l’espèce cultivée est de pouvoir améliorer l’espèce cultivée à l’aide d’espèces voisines qui pourraient lui apporter de nouveaux caractères. On sait par exemple que la vanille aphylle de Humblot a cette capacité de se maintenir aisément dans des milieux secs. Quand on pense à tous les problèmes de fusariose, un champignon tellurique qui détruit le réseau racinaire et entraîne le flétrissement des plantes de l’espèce cultivée, si on est capable de créer de nouvelles espèces à partir de la vanille de Humblot, par croisement et reproduction sexuée, on pourrait être capable de générer une nouvelle espèce qui pourrait survivre dans des conditions plus sèches, ce qui limiterait l’impact de la fusariose. Cela peut donc être une source de résistance aux maladies. »

Une espèce en danger d’extinction

Contrairement à la Vanilla planifolia, l’espèce la plus cultivée dans le monde qui aime les zones tropicales et humides, la vanille de Humblot est adaptée aux forêts tropicales sèches. Sans feuilles, aux allures de cactus, la vanille de Humblot est une orchidée « lianescente ». C’est une des espèces de vanille les plus résistantes à la sécheresse actuellement connue. Les outils développés lors des recherches menées sur la vanille de Humblot pourront à terme contribuer à sa préservation, et serviront également à l’étude d’autres espèces de vanilliers sauvages dans l’Océan Indien, menacés par la destruction des habitats naturels (cultures sur brûlis, défrichages, cultures envahissantes,…). Etudier et protéger les espèces de vanille sauvage permettrait d’enrichir la base des caractéristiques génétiques connues, et pourrait à terme présenter un intérêt agronomique exploitable pour améliorer l’espèce actuellement cultivée.

« La thèse de Rodolphe Gigant a permis d’acquérir beaucoup de connaissances récemment sur l’espèce Humblot. Nous en savons aujourd’hui beaucoup plus sur la biologie de la reproduction, sur la structure génétique, sur la biologie de la pollinisation etc. Ces connaissances pourront aider à la conservation de l’espèce puisqu’elle est sur le point de s’éteindre, mais aussi à alimenter le peu de connaissances que nous avons pour l’instant de la multitude des espèces de vanille dans le monde, souligne Luc Gigord, du Conservatoire Botanique des Mascarins.

 

La diversité génétique comme arme de défense

De ces études, une affirmation semble mettre tout le monde d’accord : plus une espèce de vanille montre de diversité génétique, plus elle aura de potentiel pour se maintenir et offrir les bonnes réponses face à des modifications de l’environnement. La vanille de Humblot représente à petite échelle un état des lieux de la situation mondiale actuelle : pauvre en diversité génétique, la moindre perturbation pourrait,dans une certaine mesure, avoir de graves conséquences l’ensemble des plantations de vanille du globe.

Pour Rodolphe Gigant, l’idée est de caractériser les individus d’un point de vue génétique et de savoir où on peut les retrouver. Le but est d’étudier la diversité génétique et de proposer des solutions pour la conservation. Si on observe qu’il y a différents types d’individus, on pourra mettre certains génotypes en collection. Nous avons une collection de ressources génétiques à la Réunion, au Centre de ressources biologiques (CRB) Vatel, qui regroupe une trentaine d’espèces de vanilliers du monde entier. Pour proposer des solutions de conservation, la génétique reste le meilleur outil, neutre et objectif, pour étudier la diversité des individus et la variabilité d’une espèce. Les outils moléculaires vont permettre de définir s’il y a une diversité génétique. Les individus qui seront des génotypes uniques pourront être mis en collection et servir à des réintroductions s’il y a destruction de l’habitat. »

Les outils de recherche développés pour l’étude de cas de la vanille de Humblot ont permis de cerner d’avantage les moyens de lutte contre sa disparition. Ces outils sont aujourd’hui mis en place aux Comores dans le même objectif de conservation de l’espèce. A plus large échelle, l’étude de cas menée sur la vanille de Humblot pourrait servir de base à d’autres recherches sur les centaines d’espèces de vanilles et les mystères de leur génétique, contribuant ainsi à la protection et l’amélioration de la qualité des vanilliers dans le monde.

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