Initier des recherches pour l'agrobiodiversité aux Comores - Rencontre avec M. Hamza Abdou Azali

Rédigé par Alexandre Reteau Modifié le

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  • Hamza Abdou Azali © Cirad

Chercheur à l’INRAPE[1] et enseignant-chercheur à l’Université des Comores, monsieur Hamza Abdou Azali, honorait récemment le Pôle de Protection des Plantes par sa présence. En effet M. Azali se rendait à Saint Pierre de la Réunion afin d’assister à une formation organisée dans le cadre du projet Germination, projet pour lequel il est aussi le point focal des Comores. Nous en avons profité pour lui poser quelques questions sur les actions actuellement menées aux Comores sous la houlette du projet Germination[2] .


M. Azali, pouvez-vous nous dire quelles peuvent être les intérêts d’un projet comme Germination pour les Comores ainsi que pour leur université ?

« Le projet Germination est un projet qui a pour objectif la valorisation des ressources génétiques agricoles dans les différents pays de l’océan Indien, faisant référence à ce que l’on appelle plantes négligées ou orphelines. Avant l’instauration du projet Germination, ces plantes ne faisaient l’objet d’aucun programme de recherche aux Comores. Cela va donc nous permettre d’essayer, dans un premier temps, d’inventorier ces ressources génétiques - dont on ignore complètement la richesse - et, dans un second temps, de mettre en place des collections pour ces ressources. Car, jusque-là, il n’existe aucune collection de ressources végétales agricoles aux Comores. Germination est l’occasion d’initier ce type d’initiatives.

Ce projet est aussi un avantage pour l’université car, jusqu’ici, les recherches effectuées à l’université des Comores se basent uniquement sur de la recherche fondamentale. Il n’y a pas d’intérêt pour la recherche agronomique. C’est via ce projet Germination que l’on commence à s’y intéresser et je pense que c’est une bonne chose. Les Comores étant un pays à vocation agricole, l’université a tout intérêt à plus s’intéresser à la recherche dans le domaine agronomique et ainsi faire un lien entre la recherche fondamentale et son application. »


Quelle serait, à vos yeux, l’espèce agricole la plus emblématique des Comores ? l’espèce représentative de l’intérêt qu’il y a à initier des recherches dans le domaine agronomique ?

« Elles sont nombreuses ces espèces, mais celle qui me tient le plus à cœur ce serait la banane. Pour plusieurs raisons : la banane est une des cultures préférées des Comoriens, elle est présente dans de nombreux menus, quotidiens ou occasionnels. On la retrouve omniprésente dans le cadre de festivités comme le grand mariage par exemple. La banane occupe une place importante dans la société comorienne : une place à la fois culturelle et alimentaire.

Il existe quelques travaux, menés par des organismes étrangers, qui montrent que la diversité des bananiers Comoriens est unique au monde. Nous possédons des variétés qui n’existent nulle part ailleurs. Malheureusement, la cercosporiose[3] a fait beaucoup de dégâts dans les bananeraies des Comores et, aujourd’hui, beaucoup d’agriculteurs se sont détournés de la culture de variétés locales, préférant des variétés introduites, considérées comme plus tolérantes ou plus résistantes. Cela représente un réel danger car si nous continuons sur cette voie nous risquons de perdre une grande part de notre diversité. »


Des stages sont actuellement menés aux Comores dans le cadre du projet Germination. Quel en sont les objectifs ?

« Jusqu’à maintenant, aucun travail de caractérisation de la biodiversité agricole n’avait été mené aux Comores. L’objectif de ces stages est d’initier des travaux d’inventaires sur deux espèces en particulier: la banane et le manioc. La banane, pour les raisons que je viens d’évoquer, fait partie de nos valeurs culturelles et alimentaires, et il en est de même pour le manioc. Ces cultures sont toutes deux très importantes pour les Comores. Actuellement les stagiaires ont presque terminé leur travail et finissent d’en rédiger les rapports. L’objectif est d’avoir une base de données sur les différentes variétés de bananiers et de manioc existant aux Comores. »


Ces stages sont des stages d’inventorisation de ressources, prévoyez-vous d’y associer une phase de caractérisation ?

« Je ne qualifierai pas le travail effectué actuellement de travail de caractérisation. Pour le moment nous prenons un certain nombre de critères morphologiques afin de pouvoir différencier les variétés à inventorier. Mais il faut que soit mené dans le futur un véritable travail de caractérisation, approfondi, sur ces ressources qui, encore une fois, font partie du patrimoine Comorien. »





Pour aller plus loin :

[1]  Institut National de la Recherche pour l’Agriculture, la Pèche et l’Environnement.
[2]  Germination est un projet dont l’ambition est d’œuvrer à la conservation et à la valorisation de l’agrobiodiversité dans le sud-ouest de l’Océan Indien.
[3] Connue sous le nom de « noir du bananier » cette maladie est due au champignon Mycosphaerella fijiensis. Elle est responsable d’importantes diminutions des rendements pouvant atteindre jusque 50% de la production.


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