Les îles comme « systèmes modèles » pour la recherche en écologie et évolution

Rédigé par David Josserond Modifié le

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  • Ben Warren sur le terrain © Ben Warren

Paru récemment dans Ecology Letters[1], un article de Ben Warren, auparavant biologiste au sein de l’UMR PVBMT (Cirad - Université de La Réunion) et aujourd’hui basé à l’Université de Zurich, commémore le 50ème anniversaire d’une étude fondamentale en biologie publiée par MacArthur et Wilson en 1963 : la théorie de biogéographie insulaire. 

En collaboration avec un groupe de travail international financé par la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité - FRB[2], Ben Warren et ses collègues y détaillent des perspectives à l’approche proposée par MacArthur et Wilson, en utilisant les îles comme modèles pour mieux comprendre les processus écologiques et évolutifs dans le monde en général.

Entretien…

Bio&Agri - Votre article a paru au lendemain du 50ème anniversaire de la publication de MacArthur & Wilson. En quoi consiste cette théorie ?

Ben Warren - La théorie de MacArthur et Wilson vise à expliquer que le nombre d'espèces sur une île résulte d'un équilibre entre l'immigration de nouvelles espèces et l'extinction des espèces présentes. D’après eux, la richesse spécifique d'une île est fonction de sa taille et de son isolement ou de son éloignement par rapport à un continent. Les deux scientifiques ont su utiliser à l’époque les îles comme des« outils » pour quantifier les effets de la taille et de l’isolement d’une région géographique sur la biodiversité.

B&A - En quoi les îles jouent-elles d’ailleurs aujourd’hui le rôle de « systèmes modèles » en matière d'écologie et d'évolution?

BW - Depuis 1963, les systèmes insulaires ont fourni de nouvelles connaissances à notre compréhension de l'écologie et de l'évolution des communautés en général, et notamment au-delà des îles, dont les côtes délimitent, souvent de longue date, les distributions naturelles des espèces et des populations. L'identification des répartitions actuelles et historiques des espèces et des populations s’en trouve alors facilitée. Autant de recherches d’ailleurs souvent impossibles à répéter en laboratoire ou à l’échelle d’une vie humaine. En outre, les îles représentent souvent des terrains d’études « vierges » pour l'étude de la formation de communautés naturelles (forêts, savanes, etc.), en ayant été formées dépourvues de toute forme de vie suite à des épisodes volcaniques (par exemple les Mascareignes, océan Indien) ou suite à des phénomènes liés à des changements du niveau des océans (ex : Aldabra et les Iles Eparses, océan Indien). Les îles combinent donc plusieurs atouts pour offrir des possibilités de recherche inhabituelles, dont les conclusions s’imposent bien souvent au-delà des îles.

B&A - Vous utilisez de votre côté des outils moléculaires et d'acquisition de données inexistantes dans les années 1960. En quoi ces outils vous ont-ils permis d’aller plus loin dans la réflexion menée par les deux scientifiques à l’époque? 

BW - Les outils moléculaires et d'acquisition de données permettent aujourd’hui une réévaluation plus fine et plus précise de certaines questions fondamentales auxquelles MacArthur et Wilson se sont intéressés. Ces auteurs ont en effet étudié les effets de la taille et de l'isolement d'une région géographique sur la facilité avec laquelle les organismes arrivent (immigration naturelle) et résistent face aux risques d’extinction locale. Depuis, on a également observé que le nombre d'espèces dans une zone géographique donnée tendait à augmenter par divisions de certaines populations en deux [voire plusieurs ndlr] espèces distinctes. C'est un processus évolutif que l'on nomme de manière générique la spéciation, et qui à l'origine de nouvelles espèces. Or, seule l’utilisation de techniques moléculaires permet de mettre en évidence la spéciation et de montrer son importance dans des régions géographiques de tailles, d’âges et d’isolements différents, dont l’étude nous aide en retour à affiner notre compréhension sur le phénomène de spéciation lui-même.

[1]  Islands as model systems in ecology and evolution: prospects fifty years after MacArthur-Wilson - Ecology Letters (2015) 18: 200–217.

[2]   Au Centre de Synthèse et d'Analyse sur la Biodiversité - CESAB (Aix-en-Provence).

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