Phase 3 (2011 – 2013) : Modélisation "insecte-plante" de la dynamique spatio-temporelle du couple Cibdela janthina – Rubus alceifolius et modalités de recolonisation après élimination de Rubus alceifolius

Rédigé par David JOSSEROND Modifié le

Partager :

Le Cirad, dans le cadre d'une étude co-financée par le Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie (par l’intermédiaire de la DEAL), réalise depuis plusieurs années des prospections bisannuelles (janvier et juillet) pour estimer la dispersion de la tenthrède Cibdela janthina sur l'île et la recolonisation des massifs après élimination de Rubus alceifolius.

Suivi de la dispersion spatiale de Cibdela janthina et défoliation des massifs de Rubus alceifolius à La Réunion

Les prospections de 2012 montrent que la tenthrède a fait le tour complet de l'île depuis 2008. Elle est désormais présente partout dans les bas de l’ile, avec des densités toutefois en baisse par rapport aux années précédentes. Dans l'est de l’île, Cibdela janthina reste présente, et ce malgré la rareté du Rubus alceifolius, quasiment éliminé de Saint-Benoît à Saint-Joseph. Les quelques repousses, rejets ou jeunes massifs repérés, sont tous attaqués par des larves. Dans les Hauts, entre les prospections hivernale et estivale, la différence de température influence fortement la présence de C.janthina et son impact sur les massifs de R. alceifolius. Aussi, un travail de thèse a été initié fin 2011 en vue de comprendre et modéliser sur le long terme l'équilibre entre l'insecte et la plante, en particulier en fonction de l'altitude.

 

Biologie et modélisation de la dynamique temporelle du couple C. janthinaR. alceifolius en fonction de l’altitude

L’objectif est de construire un modèle de dynamique des populations de la tenthrède qui rende compte de son impact sur Rubus alceifolius en fonction de l’altitude et des saisons. Celui-ci permettra de prédire sur le long terme l’efficacité de la tenthrède dans le contrôle biologique de Rubus alceifolius. Ainsi, la survie et la consommation foliaire des stades larvaires, la fécondité et la longévité des femelles ainsi que leur comportement de ponte ont été étudiés en laboratoire et en grandes cages extérieures. Parallèlement, des suivis de sites étagés en altitude le long de deux transects permettent de mieux connaître la dynamique saisonnière des populations de Cibdela janthina. Ces données sont utilisées pour la construction du modèle.

Jusqu’à fin 2011, une installation de la tenthrède en altitude a été observée, avec une baisse progressive de l’impact sur les massifs de Rubus alceifolius. Depuis 2012, la limite altitudinale d’impact de la tenthrède sur Rubus alceifolius se situe vers 1100 - 1200 m (ex : à La Plaine des Palmistes). Les études de laboratoire ont également montré que l’insecte est très sensible aux basses températures. Le froid ralentit le développement des larves qui défolient moins vite et augmente fortement leur mortalité. Par exemple, à 15°C, on observe une très forte mortalité, 100 œufs pondus ne donnant que 2 adultes.

Recolonisation des massifs après contrôle biologique

Dans toute opération de lutte biologique contre une plante invasive, le suivi de la recolonisation des massifs doit être mené sur plusieurs années pour évaluer de l’impact. Une fois la plante ciblée limitée voire éliminée par l'agent de contrôle, l'espace libéré peut en effet être occupé par un ensemble de plantes indigènes et/ou de plantes exotiques.

Le contrôle biologique des massifs de R. alceifolius par C. janthina conduit à une défoliation plus ou moins importante et ainsi à une ouverture du couvert auparavant formé par R. alceifolius, en offrant la possibilité à d'autres espèces de s'installer au sein des massifs. Ces espèces sont recrutées parmi les espèces présentes localement, indigènes ou exotiques. Des suivis de la recolonisation dans des trouées forestières de la forêt de Mare Longue dans le cœur du Parc National des Hauts de La Réunion, sont effectués annuellement depuis l’été austral 2009-2010. Dans l’ensemble, on observe une augmentation de la richesse spécifique (nombre d’espèces végétales) au sein des trouées suivies, à la fois en espèces indigènes et en espèces exotiques, avec un niveau de recouvrement en espèces indigènes en progression. Les massifs peu envahis par d’autres espèces exotiques présentent une opportunité pour la régénération d’espèces indigènes (jusqu’à 45 espèces indigènes dans les trouées forestières de Takamaka).

Les réponses de l’environnement face à des perturbations comme l’élimination progressive des massifs de R. alceifolius, se font sur des pas de temps de plusieurs années, voire de décennies. Aussi, au stade actuel des études, il est encore trop tôt pour dire si les trouées envahies par R. alceifolius dans les forêts primaires seront entièrement recolonisées par des espèces indigènes. Dans tous les cas, à savoir dans les milieux perturbés et anthropisés (bords de champs, de route, etc...) ou dans les milieux plus conservés (forêts primaires), les espèces végétales prenant la place des massifs de R. alceifolius sont des espèces déjà présentes autour de ces massifs.