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Eric Penot, chercheur au Cirad à Madagascar : "Les systèmes sur couvertures végétales, un investissement sur le long terme"

Rédigé par Quentin Ceuppens Modifié le

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Eric Penot est chercheur au Cirad à Madagascar, au sein de l'UMR Innovation. Il a participé à l'organisation d'un séminaire à Tananarive en novembre 2011, sur l'impact de l’adoption de l’agriculture de conservation  (Semi-Direct sur Couverture Végétale) sur les exploitations agricoles dans les régions du Lac Alaotra et du Moyen Ouest de Madagascar. Ce séminaire s'est tenu dans le cadre du projet RIME-PAMPA financé par l'Agence Française de Développement. 

En quoi consiste le projet PAMPA en deux mots ?

Eric Penot : Le projet RIME (Réponse Intégrée Multi-Equipes) - PAMPA (Programme d'Appui Multi Pays en Agro-écologie), est un projet financé par l'Agence Française de Développement (AFD) dont l'un des objectif était de mesurer les impacts de l'adoption de l'agriculture de conservation sur les exploitations agricoles à Madagascar, dans les régions du Lac Alaotra et Moyen Ouest. Le projet s'est déroulé sur trois ans, avec trois groupes de travail, sur les sols, le territoire, et l'impact de l'agriculture de conservation sur les exploitations agricoles. 

Le projet a rassemblé le Cirad, le FOFIFA, l’Université d'Antananarivo, le BRL Madagascar,… en collaboration avec les partenaires des projets de développement BVlac et BVPI du Ministère de l'agriculture malgache, financés par l’AFD.

Pourquoi les Systèmes sur Couverture Végétale (SCV) particulièrement à Madagascar ?

E. P. : Les SCV existent un peu partout dans le monde, ce n'est pas une particularité de Madagascar. Les pays qui utilisent le plus les SCV sont le Brésil et l'Argentine, mais dans des proportions beaucoup plus conséquentes ; on parle alors de grande exploitations de milliers d'hectares, et d'une mécanisation importante. D'autres pays comme la Zambie ou le Zimbabwe sont aussi concernés à hauteur de plus ou moins 150 000 hectares. Mais au niveau de l'océan Indien, Madagascar est le seul pays ou il y a une adoption des SCV aussi importante chez les petits paysans.

Comment les SCV sont-elles reçues par les "petits paysans" de Madagascar ?

E. P. : A Madagascar, l'agriculture traditionnelle est transmise de père en fils depuis des centaines d'années, donc il n'est pas toujours facile de changer les mentalités. C'est le changement de paradigme qui est le plus difficile à faire, ce changement de mentalité doit être réalisé sur le très long terme, c'est pourquoi il est difficile d'implanter les SCV comme système de référence. Quand les SCV nécessite qu'on investisse sur 5 ans, les agriculteurs ne voient en général pas plus loin que 6 mois, donc pour eux, les SCV c'est du travail supplémentaire qui n'a pas de retour immédiat, autrement dit une contrainte.

Comment les SCV ont-elles été intégrées dans la région du lac Alaotra ?

E. P. : Les SCV existent depuis des années dans cette région. Aujourd'hui, 80 % des paysans du lac ont des SCV de plus de 5 ans. Ils ont donc compris que ces systèmes sont stables et ont vu leurs avantages. Pourtant, ce n'est pas forcément pour cela que les autres copient. La diffusion des SCV est relativement faible, il n'y a pas encore de diffusion tache d'huile. En fait, 80 % des paysans se contentent de prendre une ou deux techniques des SCV et les appliquent sur leurs champs conventionnels, c'est ce qu'on appelle les SCI, les Systèmes de Cultures Innovants combinant ancienne et nouvelles pratiques agricoles. D'une manière générale, le développement des SCV en dehors du projet est faible, par contre l'amélioration globale est très importante.

En quoi les SCV peuvent-elles être un plus pour l'élevage ? 

E. P. : Certaines plantes utilisées pour la couverture végétale et les haies vives sont d'excellents fourrages, d'autres ne peuvent pas être utilisés pour nourrir les animaux. Dans certains cas, on peut prélever un tiers de biomasse qu'elles représentent pour les animaux, et le reste pour la couverture végétale. Au niveau de la région du lac Alaotra, il n'y a pas beaucoup de production de lait ou de bétail et quand bien même il y en aurait, la région est encore trop peu desservie en axe routier ce qui rendrait la vente plus difficile. Cependant, comme nous parlons de moyen ou de long terme, il est clair que l'élevage peut être un moteur pour les développement des SCV via le lait, les vaches,… mais dans une certaine mesure car pour l'instant les villages sont encore isolés. 

Pourquoi revenir aujourd'hui sur un système qui laisse la nature faire son travail alors que l'agriculture moderne prône depuis des siècles un labour propre et un entretien stricte des champs ?

E. P. : Contrairement à ce qu'on pourrait croire, les SCV sont des systèmes qui demandent beaucoup de connaissances et de techniques. Il ne s'agit pas de laisser la nature faire son travail et ne toucher à rien, c'est bien plus compliqué que cela. D'abord on supprime le labour, ensuite on doit introduire une plante de service qui jouera le rôle de couverture végétale, de labour, de barrière à l'érosion etc. Cette plante, il faut s'en occuper bien sûr, même si son efficacité n'est pas immédiate. Il faut aussi faire des rotations, des associations de cultures etc. Tout cela nécessite non seulement des connaissances en la matière, mais aussi beaucoup de travail dans un premier temps. Un travail dont les fruits ne se récoltent pas immédiatement, et c'est là tout le problème des agriculteurs en général, qui ne voient pas l'intérêt d'investir sur plus de 6 mois. La difficulté, c'est de changer les mentalités et d'arriver à ce que les agriculteurs comprennent qu'il est nécessaire de voir sur le moyen ou sur le long terme les effets bénéfiques des SCV.

 

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