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Sécuriser les collections de ressources génétiques végétales - Le projet Safe PGR

Rédigé par Alexandre Reteau Modifié le

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  • Collection de canne à sucre au champ © Projet Safe PGR
  • Collection d'ignames au champ © Projet Safe PGR
  • Collection d'ignames sous serre © Projet Safe PGR
  • Préparation de séquençage © Projet Safe PGR
  • Collections de vanilliers © Projet Safe PGR

Après plus de trois ans d’existence, le projet Safe PGR (Sécurisation des Ressources Génétiques Végétales) arrive à son terme. Issu de la collaboration de l’Inra, du Cirad et de universités des Açores ainsi que de l'université de Madère,[1] ce projet avait pour dessein l’amélioration des méthodes de diagnostic viral pour la sécuriser les collections de ressources génétiques végétales.

Des collections de ressources végétales ?

Les CRB, ou Centres de Ressources Biologiques, sont les principaux acteurs concernés par ce projet. Ces centres ont pour fonction de préserver les collections de matériel biologique dont ils ont la gestion, ressources végétales d’intérêt agricole dans le cas présent. A titre d’exemple, le CRB Vatel de la Réunion conserve plus de 200 variétés de vanilliers, sauvages ou domestiqués. Réunionnaises, malgaches, indiennes, asiatiques ou sud-américaines toutes ces ressources n’ont pas les mêmes caractéristiques, les mêmes propriétés. Le CRB Vatel a pour mission de préserver cette diversité, et de la diffuser aux organismes qui en font la demande. 

En effet, les CRB ont une fonction importante pour le milieu scientifique qui trouve dans ces centres un matériel de qualité nécessaire au bon déroulement de la recherche expérimentale. De plus, les CRB sont indispensables aux producteurs de semences qui peuvent s'y procurer, pour leurs croisements, des variétés présentant des propriétés intéressantes (résistance à la sécheresse, production de métabolites particuliers, résistance à une maladie…).

De par la diversité génétique qu’ils hébergent les CRB représentent donc un atout considérable dans la lutte pour atteindre la sécurité alimentaire. Ils permettent de surcroît de conserver des variétés qui, du fait de l’érosion globale de la biodiversité, risqueraient de disparaître de la surface du globe.


Diversité variétale de canne à sucre © Projet Safe PGR
Illustration de la diversité variétale de cannes à sucre au sein des collections du CRB Plantes Tropicales de Guadeloupe.

Diffuser les ressources végétales et non les virus associés

Or, comme l’expliquait Thierry Candresse,[2] si l’objectif d’un CRB est bien la conservation et la diffusion du matériel génétique qu’il héberge, « conserver une ressource végétale c’est aussi en conserver les pathogènes ». Et de fait, conserver une plante revient très souvent à en conserver la diversité virale associée. Ces virus risquent donc d’être diffusés en même temps que la plante concernée, particularité qui peut se révéler éminemment problématique chez les plantes à multiplication végétative.[3]

En effet, ne produisant pas de graines, organes généralement indemnes de virus, la plante fille se voit léguer, avec son patrimoine génétique, les virus qui infectaient la plante mère. Le risque lié à de telles collections est donc de disposer en parallèle d’une collection complète de leurs virus associés… virus que l’on ne souhaite pas forcément diffuser en même temps que la ressource génétique.


Vitroplants de canne à sucre © Projet Safe PGR
Vitroplants de canne à sucre, plante à multiplication végétative pour laquelle il est par définition impossible d'établir une banque de graines. La culture in vitro permet donc de conserver les variétés hébergées au sein des CRB.

La « méta-génomique », un outil de détection virale

Fort heureusement, les CRB disposent de techniques d’assainissement pour les végétaux qu’ils hébergent. Toutefois, pour assainir une variété il faut connaitre le virus qui la contamine et disposer d’outils de dépistage. Les travaux menés dans le cadre du projet ont enrichi la connaissance des virus présents dans les collections des CRB et validé les tests de détection appropriés.

A l’origine de ces découvertes : les techniques de « deep sequencing », ou métagénomique, qui permettent de séquencer sans discrimination l’intégralité du matériel génétique contenu dans un échantillon donné. L’analyse moléculaire de l’ADN contenu dans un extrait de plante via ces techniques permet d’obtenir à la fois des séquences de la plante mais aussi celles des virus et des bactéries contenus dans ce même échantillon. Le projet Safe PGR entend apporter une meilleure connaissance de ces virus mais aussi, et surtout, sécuriser les collections de ressources génétiques végétales pour leur diffusion.

Pour cela trois axes de recherche ont été mis en œuvre :

  • Procéder à une analyse exhaustive de la diversité virale hébergée chez les 6 plantes concernées par le projet (banane, canne à sucre, ail, vanille, patate douce et igname).
  • Optimiser les outils de détection préexistant grâce aux connaissances acquises lors de la première phase.
  • Mettre au point de nouvelles méthodes de diagnostic, notamment en élargissant la pratique du « deep sequencing ».

De nouveaux virus mis à jour

Le Cirad Réunion, au travers des collections hébergées par le CRB Vattel, fait partie des partenaires directement impliqués dans le projet. Des ressources issues des collections de vanilliers et d’aulx tropicaux ont été mises à disposition des virologues de l’Inra de Bordeaux pour un séquençage profond orienté vers la détection des microorganismes qui se cacheraient au sein des cellules végétales.

Sur les 20 nouveaux virus identifiés lors des 3 ans que dura le projet, deux d’entre eux concernaient la vanille, deux autres les aulx tropicaux. Précisions que les techniques de métagénomique ne permettent pas de définir si les virus découverts ont un effet pathogène ou neutre (voire bénéfique) vis a vis de la plante qu’ils infectent. Dans le cas des vanilliers, les plants infectés par ces nouveaux virus ne présentaient aucun symptôme particulier. Des travaux complémentaires sont donc nécessaires pour déterminer l’éventuelle pathogénicité de ces nouveaux virus.

Pour les aulx tropicaux, le problème est complexifié par le fait que ces derniers sont généralement co-infectés par de nombreux virus. Il devient alors difficile d’essayer d'imputer un phénotype observé à un virus en particulier. Découlant de ces découvertes, des études de caractérisation sont menées actuellement pour approfondir nos connaissances sur ces nouveaux virus que le projet Safe PGR a permis de mettre en lumière.


Thierry Candresse, virologue à l'INRA Bordeaux © Projet Safe PGR
Thierry Candresse, virologue à l'INRA Bordeaux

Contrairement aux aulx, les collections de patates douces et d’ignames du CRB Vatel se sont révélées remarquablement saines puisque la plupart des accessions se sont révélées indemnes de toute contamination, aucun virus connu ou inconnu n’ayant été découvert sur la matériel de La Réunion.

Le projet Safe PGR, au-delà de son apport à la connaissance fondamentale du monde viral, a permis de prouver l’efficacité des techniques de « deep sequencing » et d’en simplifier leur utilisation. Si celles-ci ne sont pas encore à la portée de tout un chacun elles ne demandent qu’à se développer. Dans ce but, des outils de bio-informatique ont été développés de manière à faciliter le traitement des données brutes de séquençage (composées de millions de séquences nucléotidiques qu’il faut trier, aligner et analyser).

Trivial mais fondamental, le but final du projet Safe PGR se trouve ainsi résumé par le virologue bordelais Thierry Candresse : « Ne pas diffuser du matériel génétique infecté par des agents pathogènes ».






 

Reportage audio de J. Champion réalisé pour Guadeloupe première : 

 

Pour aller plus loin :


[1] Le projet Safe PGR est issu d’un partenariat entre l’Inra Bordeaux, l'Inra Guadeloupe, le Cirad Montpellier, le Cirad Guadeloupe et celui de la Réunion ainsi que les universités portugaises des Açores et de Madère. Le projet est coordonné par l'Inra Guadeloupe.
[2] Thierry Candresse est virologue à l’Inra Bordeaux, étroitement associé au projet Safe PGR.
[3] La multiplication végétative est une méthode de multiplication non sexuée présente chez un grand nombre de végétaux. Elle consiste en la production de clones à partir d’une plante mère à l’aide d’organes particuliers tels que les rhizomes ou les stolons. Le bouturage et le marcottage sont des techniques de multiplication végétative naturelles que l'homme à appris à maîtriser au cours de l'histoire. 

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