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Claire Neirac : "Un partage juste et équitable des ressources génétiques "

Rédigé par David JOSSEROND Modifié le

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  • Claire Neirac, juriste en droit du vivant et spécialiste de la propriété intellectuelle au Cirad, à l'occasion du Salon International de l'Agriculture 2013.

Claire Neirac est juriste en droit du vivant et spécialiste de la propriété intellectuelle au Cirad. Elle revient pour nous sur l’importance du partage des ressources génétiques.

Il est possible de « partager la biodiversité » par un partage de l’information, des savoirs traditionnels mais aussi des ressources génétiques. D’abord, qu’est-ce qu’une ressource génétique ?

- Une ressource génétique peut-être définie comme du "matériel d'origine végétale, animale ou microbienne contenant des unités fonctionnelles de l’hérédité et ayant une valeur effective ou potentielle". Autrement dit, toute ressource biologique que l’on appréhende sous l’éclairage de la recherche et développement.

Pourquoi est-il important de partager ces ressources génétiques ?

- Leur partage est justement un élément de leur conservation, pour éviter une forme d’érosion ou un appauvrissement des ressources elles-mêmes et des connaissances qui y sont liées. C’est l’esprit même de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) adoptée lors du sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992. Trois objectifs sous-tendent cette Convention : la conservation de la diversité biologique, l’utilisation durable de ses éléments et le partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques.

Vous parlez « d’avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques ». Quels sont-ils ?

- La CDB a été complétée en 2010 par le protocole de Nagoya, qui dresse une liste indicative et non limitative des  avantages monétaires et non-monétaires pouvant être proposés au titre du partage des avantages liés à l’utilisation des ressources génétiques et des savoirs traditionnels attachés. Parmi les premiers figurent des droits d’accès, des redevances d’exploitation, la copropriété de droits de propriété intellectuelle... Au titre des avantages, cette fois non monétaires, on peut citer la collaboration de recherche, le partage des résultats de la recherche et de la mise en valeur,le renforcement des capacités, ou encore la formation en matière de transfert de technologie. Autant d’avantages permettant la conservation et la traçabilité de la ressource, la production de connaissances, l’accueil de doctorants… C’est d’ailleurs selon cette seconde approche que sont essentiellement envisagés les transferts de matériel génétique au Cirad.

Peut-on toutefois selon vous parvenir à un « partage juste et équitable » de ces avantages ?

- Ce partage est mis en avant dans le troisième objectif de la CDB. Mais il est dommage en effet que certains adoptent une approche trop mercantile ou marchande de ce troisième objectif, en le voyant uniquement sous son aspect monétaire. Cela va d’ailleurs selon moi à l’encontre d’une utilisation durable des ressources génétiques. Il est marquant par exemple aujourd’hui devoir le manque de moyens des pays du Sud dans ce domaine, et de les entendre énoncer leurs difficultés à simplement suivre le parcours d’une ressource génétique et à obtenir les rapports de recherche. On ne lit pas malheureusement pas ces avantages, ni les utilisations d’ailleurs, de la même manière selon que l’on est dans les pays du Nord ou les pays du Sud.

Comment et pourquoi sommes-nous passés d’un accès libre à un accès contrôlé de ces ressources génétiques ?

- Avant le sommet de la Terre à Rio de Janeiro en1992, aucune législation spécifique n’existait dans ce domaine. Les ressources génétiques faisaient en quelque sorte partie du "patrimoine commun de l’humanité". Puis ont été posés des principes d’accès aux ressources génétiques et de partage des avantages par la CDB. Cette Convention confie aux pays signataires le soin de définir leurs règles nationales. Dorénavant, ce sont donc les Etats qui définissent les règles d’accès et de partage des avantages, dans le respect des principes posés par laCDB. Chaque Etat est de ce fait responsable de ce qui se passe sur son territoire et peut édicter des règles visant à encadrer les accords individuels passés entre utilisateurs et fournisseurs pour tout transfert qui a lieu sur son territoire,

Pourquoi est-il selon vous difficile de faire un lien linéaire entre une ressource génétique et son utilisation ?

- On peut rarement établir un lien direct entre une ressource génétique et son utilisation ou son avantage. La plupart du temps, les ressources génétiques sont utilisées sous forme de pools par une communauté scientifique, elle-même organisée en réseau. On est véritablement au cœur d’un processus dynamique : la mutualisation des ressources génétiques permet la production des connaissances, dont la mutualisation à son tour permet d’optimiser l’utilisation des ressources génétiques. Comment définir alors la part de chaque ressource génétique au niveau d’une nouvelle donnée ? Le partage d’une ressource génétique amène ainsi autant un partage de l’usage qu’un partage des avantages.

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