Au pôle de protection des plantes (Réunion)
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Détecter la bactérie du dépérissement de l'anthurium

Written by Isabelle Robène-Soustrade, Lionel Gagnevin, Umr Peuplements végétaux et bioagresseurs en milieu tropical (Pvbmt) Modified on the

  • D. Linderme de l'équipe de la phytopathologiste I. Soustrade du Cirad à la Réunion, qui a mis au point le test de diagnostic

Les premiers symptômes du dépérissement de l'anthurium sont des taches foliaires d’aspect huileux, qui jaunissent et se nécrosent. L'infection peut devenir rapidement systémique et entraîner la mort du plant. Dans les années 1980, cette maladie infectieuse, due à la bactérie Xanthomonas axonopodis pv. dieffenbachiae, a provoqué aux Antilles l'anéantissement quasi total de la filière de l'anthurium. Sur l'île de la Réunion, la bactérie a été introduite accidentellement en 1997 par l'intermédiaire de plants contaminés en provenance des Pays-Bas. Une campagne de lutte par éradication a alors été mise en place : destruction de tous les plants des ombrières infectées et interdiction de la commercialisation de plants. L’importation des anthuriums devait s'effectuer sous la forme de vitroplants, avec une quarantaine de 18 mois. Le Cirad a alors lancé un programme de recherche en concertation avec le Service de protection des végétaux de la Réunion et les acteurs de la filière. L'objectif était de disposer de moyens d'inspection plus performants des plants importés.

Une détection à la fois spécifique et sensible

Deux étapes ont été nécessaires pour mettre au point cet outil. Dans un premier temps, l’objectif a été de constituer une collection représentative de la diversité génétique et pathogénique mondiale de cette bactérie. Des cultures bactériennes provenant de toutes les zones où la maladie est présente ont été collectées et analysées. Les résultats montrent que les bactéries infectant les aracées, famille dont fait partie l'anthurium, constituent un groupe génétiquement hétérogène, dont tous les membres ne sont pas pathogènes pour l’anthurium. Cette diversité a été caractérisée grâce à deux techniques : la technique AFLP (amplified fragment length polymorphism), qui permet de comparer les individus deux à deux pour un grand nombre de caractères de leur génome, et des tests mesurant le pouvoir pathogène sur différentes plantes de la famille des aracées.
 Dans un second temps, les travaux ont porté sur un outil de détection fiable et universel, c’est-à-dire capable de détecter toutes les souches bactériennes potentiellement responsables de la maladie quelle que soit leur origine géographique. Les résultats sont probants : l’outil est spécifique (il ne détecte pas les souches non pathogènes) et sensible (il est capable de détecter les souches même lorsque les plants sont faiblement infectés) et n’ont pas de symptômes visibles.

Un diagnostic rapide et une quarantaine réduite

La détection se fonde sur la technique d’amplification génique (PCR, polymerase chain reaction) : c’est l'un des gènes de la bactérie qui est détecté. Au préalable, il a donc été nécessaire d’identifier un grand nombre de gènes cibles potentiels dans le génome de la bactérie, de déterminer ceux qui lui sont spécifiques et de s'assurer, a posteriori, à partir de la séquence d'ADN, que le gène ciblé était bien unique et qu’il correspondait à une fonction indispensable de la bactérie. Des amorces nucléotidiques ont ensuite été choisies dans la séquence d’ADN cible afin d’élaborer le test PCR spécifique, puis l'amplification de la séquence cible par ce test a été vérifiée pour toutes les souches pathogènes de l’anthurium.
 Les applications de cet outil sont multiples. Il est désormais possible de diagnostiquer rapidement l’infection, mais aussi, à plus grande échelle, de surveiller les ombrières et de contrôler les plants importés à l’entrée du territoire. Les durées de quarantaine imposées aux importateurs peuvent être réduites de moitié. L'outil peut également être utilisé dans le cadre de schémas de certification pour la production de matériel végétal indemne de maladie. Il a fait l'objet de dépôts de brevets en France et aux Pays-Bas. Enfin, il est prévu d'engager une procédure pour son adoption comme méthode officielle de diagnostic auprès de l'Organisation européenne de protection des plantes (Eopp).

Les tests disponibles :

PCR Diagnostic sur suspension bactérienne (remplace ELISA)
Nested-PCR Diagnostic sur broyat de plante (sans phase d’extraction d’ADN). Pour feuilles symptomatiques et asymptomatiques. Pour petit nombre d’analyses (remplace isolement+ELISA)
Bio-nested PCR Diagnostic sur broyat de plante , avec regroupement d’échantillons. Pour feuilles symptomatiques et asymptomatiques. Pour grand nombre d’analyses.